Mondorf-les-Bains et son eau thermale

L'histoire du domaine thermal de Mondorf-les-Bains commence le 17 juin 1841 quand le foreur saxon Karl Gotthelf Kind commençait des travaux de forage à l'endroit où suintait une petite source d'eau salée.  Son objectif était de trouver du sel gemme pour la "Société nationale pour les entreprises industrielles et commerciales" qui, face à une importante hausse du prix du sel, cherchait à localiser des ressources nationales. Une éventuelle extension des gisements de sel lorrains du Trias vers le nord paraissait être une possibilité.

Kind, foreur expérimenté ayant travaillé avec succès en Allemagne, avait déjà réalisé plusieurs forages profonds à Cessange, Echternach et Besch-sous-Perl, mais sans trouver de sel.

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Karl Gotthelf Kind, d'après une gravure de 1861
Après exactement 5 ans de travaux à Mondorf, pendant lesquels il inventait aussi la technique de forage au trépan à chute libre, il avait atteint la profondeur finale de 730 mètres.
Cette profondeur devait rester un record européen jusqu'en 1871. Après avoir traversé les formations sédimentaires du Jurassique inférieur et du Trias supérieur (Keuper), moyen (Muschelkalk) et inférieur (Buntsandstein), il avait atteint le socle schisteux dévonien à une profondeur de 713 mètres, mais sans rencontrer de sel. Cependant, dans le Buntsandstein moyen et supérieur, à partir de la profondeur de 460 mètres, le forage a traversé une importante nappe d'eau salée sous pression. Après équipement, il accusait un débit artésien de 36 m3/h.
Coupe géologique à travers Mondorf-les-Bains, modifiée d'après Bintz (2000) et Lucius (1949)
Coupe géologique à travers Mondorf-les-Bains, modifiée d'après Lucius (1949) et Bintz (2000)

Mais en 1913, le débit du forage avait déjà diminué à 16.8 m3/h et le forage était obturé à 200 mètres de profondeur, probablement à cause de l'effondrement du tubage en bois mis en place par Kind. Il a alors été décidé de forer un deuxième puits, dénommé "Source Adelaïde". Le 30 juillet 1913, les travaux de forage ont été arrêtés à la profondeur de 589 mètres. Une eau thermo-minérale identique a été rencontrée avec un débit artésien de 12.9 m3/h.

Dans les années 1946 et 1947, face aux besoins croissants en eau thermale et à un débit de la "Source Kind" tombé à 6.2 m3/h, ce dernier a fait l'objet d'un reforage complet, sous la direction de Michel Lucius. Un nouveau tubage en cuivre et une nouvelle étanchéité des couches sus-jacentes ont été mis en place et le débit artésien s'établissait à 25.8 m3/h.

Mais en 1968, le débit était tombé de nouveau à 8.4 m3/h pour le forage Kind et ne s'élevait plus qu'à 5 m3/h pour le forage "Adelaïde". Cette diminution est à mettre en relation avec le colmatage des crépines et, pour le forage Kind, avec un éboulement de la paroi de forage vers 470 mètres, constaté lors d'une inspection par caméra effectuée en 1975.

En 1978, la décision a été prise de réaliser un nouveau forage, auquel on donnait le nom "Source Michel Lucius", en hommage à l'œuvre de ce grand géologue luxembourgeois. Les travaux sur ce forage ont débuté le 2 mars 1979 et ont atteint la profondeur de 750 mètres. Le débit artésien de ce nouveau forage s'établissait à 15 m3/h et le niveau piézométrique à la cote 194.6 mètres.

L'eau thermo-minérale, à environ 25°C, présente une teneur en sels minéraux de 14.5 g/kg et est du type chlorurée sodique et calcique, plutôt rare en Europe.

 

Cations (mg/kg) Anions (mg/kg)
Sodium (Na+) 3 440,00 Fluorure (F-) 1,52
Potassium (K+) 109,60 Chlorure (Cl-) 7 707,00
Magnésium (Mg2+) 119,50 Bromure (Br-) 125,90
Ammoniaque (NH4+) 0,10 Iodure (I-) 1,34
Calcium (Ca2+) 1 634,00 Sulfate (SO42-) 1 141,00
Strontium (Sr2+) 52,40 Hydrogéno-phosphate (HPO42-) 0,17
Manganèse (Mn2+) 0,30 Hydrogéno-carbonate (HCO3-) 156,20
Fer (Fe2+(3+)) 10,00 Hydrogéno-arsenate (HAsO42-) 0,12
Total: 5 365,90 Total: 9 133,25
 
Substances associées (mg/kg)
Acide métasilicilique (H2SIO3) 12,90
 
Substances gazeuses (mg/kg)
Dioxyde de carbone dissous 43,00
 
Minéralisation totale (mg/kg) 14 555,05

 

Composition chimique de l'eau thermale de Mondorf, "Source Michel Lucius".
Source: Mondorf Domaine thermal, www.mondorf.lu
 

L'origine de cette minéralisation n'est pas encore clairement établie, car même si d'importants dépôts de sel ont bien existé à la fin du Paléozoïque (Permien) et au Trias inférieur, ces types de dépôts restent limités aux bassins d'Allemagne du Nord et de la Mer du Nord, tandis que nos régions étaient émergées et les sédiments du Buntsandstein sont essentiellement continentaux. L'origine du sel serait plutôt à chercher dans les formations géologiques plus récentes du Muschelkalk moyen, déposées en milieu marin et pour lesquelles d'importantes couches de sel sont connues en Lorraine et en Sarre. Les eaux souterraines fortement chargées en sel auraient, bien après le dépôt su sel, envahi "en descendant" les formations sus-jacentes su Buntsandstein. Leur forte concentration en brome, traduisant une origine marine, semble confirmer cette hypothèse.

A côté de ces trois forages captant uniquement l'eau thermo-minérale contenue dans les formations gréseuses du Buntsandstein moyen et supérieur au-delà de 460 mètres, un quatrième forage a été réalisé en 1980, moins profond, captant cette fois-ci les eaux souterraines du Keuper. D'une profondeur de 196 mètres et crépiné entre 88 et 96 mètres (Keuper supérieur, Grès rhétien) et entre 132 et 196 mètres (Keuper moyen), ce forage fournit, par pompage, une eau minérale sulfatée-bicarbonatée sodique avec une teneur totale en sels minéraux d'environ 1 g/l et à une température de 12 °C. La minéralisation de cette eau est essentiellement liée à la dissolution des dépôts de gypse contenus dans le Keuper moyen.

Bibliographie succincte:

Bintz, J. (2000) : Le paysage géologique de Mondorf et la géologie de ses forages-captages; dans: Mondorf : son passé, son présent, son avenir, Les publications mosellanes, pp. 313-320

Leichtle, Th. (1980): Die Thermalwassertiefbohrung Michel Lucius, Rapport non publié Serv.Géol.Lux.

Lucius, M. (1949): La réfection du forage Kind à Mondorf-les-Bains; Archives de l'Institut Grand-Ducal de Luxembourg, Tome XVIII, Nouvelle série.

Massard, J.A. (1997): 1846-1996 150 Jahre Tiefbohrung Mondorf: Fehler, Fragen, Fakten; Bull.Soc.Nat. Luxem., 98, p.3-15

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